lundi 21 janvier 2019

Edito ; RDC : Une longue marche, prend forme

Félix Tshisekedi, président de la RDCongo


Ouf ! Le processus a été incroyablement long, couteux, parfois chaotique, marqué par le doute et les rebondissements divers mais il a finalement abouti sous la patience du peuple congolais qui attend l’amélioration des conditions sociaux-économiques.
A Kinshasa, la Cour constitutionnelle n’a tenue aucun compte de la recommandation émanant de plusieurs pays membres de l’Union africaine, qui avaient souhaité que soit « suspendue » la proclamation des résultats finaux des élections du 30 décembre dernier. Pourtant  dans la nuit de samedi à dimanche, les cinq juges ont rendus l’arrêt. Rejetant le recours déposé par Martin Fayulu, ils ont confirmé que Félix Tshisekedi ayant obtenu 38% des voix, était bien le vainqueur du scrutin et qu’il est donc le futur président de la République Démocratique du Congo. A 55 ans, le fils du feu opposant Etienne Tshisekedi, décédé voici deux ans, réalise le rêve de son père. Il mettra en œuvre la première transmission pacifique du pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1960.  Il l’obtient la satisfaction sur le principe de l’alternance de l’accession d’un opposant à la présidence, les Congolais auraient ainsi accepté l’élection de Félix Tshisekedi, sans se mobiliser de plus pour Martin Fayulu. Ce dernier n’était pas à mesure de défier les stratagèmes de Joseph Kabila, président sortant, alors que prétendu favori. Il était aussi opposé aux élections et à la machine à voter, sans toutefois être soutenu par un parti politique bien implanté. Appuyé par ses sponsors étrangers, il avait surtout symbolisé la radicalité de l’opposition au système de Kabila.
D’aucuns présentent d’ors et déjà Félix Tshisekedi comme l’otage de Joseph Kabila, sénateur à vie, à la tête d’une coalition politique qui dominera l’Assemblée nationale. Cette hypothèse n’est évidemment pas à écarter mais tous ceux qui n’avaient pas vu Félix arriver doivent se souvenir que la tortue, sous sa carapace, sait elle aussi où elle veut aller et que la cohabitation peut être le meilleur moyen de conjurer la guerre. S’il n’as pas d’expérience directe du pouvoir, Félix fut en tout cas été un témoin privilégié du combat de son père, de son travail mais aussi de ses foucades et de ses échecs.
Calme, posé, doté d’un  solide bon sens et d’un parlé clair, le fils ainé en impose par sa carrure et, à plusieurs reprises durant la campagne comme le jour des élections, nous l’avons vu tenir des propos empreints de modération, qu’il s’agisse de la machine à voter ou du report momentané du scrutin. Alors que le lièvre Fayulu courait vite, parlait beaucoup et soulevait les foules à travers le pays, Félix, en compagnie de Vital Kamerhe son directeur de campagne, efficace et expérimenté, enchaînait les meetings sans être autrement inquiété, manifestant une inébranlable confiance en soi. Dans les cénacles certes, on se gausse encore du manque de diplômes de Félix, considérant que cette fragilité pourrait affaiblir sa position politique, même si les certificats attestant de son expérience professionnelle, entre autres à la Poste sont eux bien réels, on souligne son absence d’emprise sur les services de sécurité, sur l’armée et la police, sans parler d’une possible ignorance des grands enjeux économiques et du secteur des Finances. Cependant, sur le long terme, le véritable défi est ailleurs. Un seul point a fait l’unanimité des électeurs, c’est l’espoir d’un changement. L’exigence d’un pays plus juste, plus beau qu’avant, plus social, moins miné par l’arrogance et la corruption, moins menacé par la violence. Un pays où la diaspora pourra revenir, un pays qui sera envié par ses voisins où les enfants pourront grandir en paix sans être inquiet et où tout le monde, enfin, pourra profiter des ressources et préparer une vie meilleure. C’est à cette aune là que sera jugé le fils d’Etienne Tshisekedi. Pas le qualifié sur ses 100 jours au pouvoir.